Effets de crise, logique de la sortie, franchissement !
« De tout temps, le théâtre a cherché à se transformer. C’est ce qu’on appelle les crises. Tant que le théâtre est en crise, il se porte bien »1. Cette citation de Jean Vilar, grand homme de lettres et de théâtre, condense la crise et ses effets, liés l’un et l’autre de façon inextinguible. Une formule forte qui élève la crise au rang d’élément fécond parce qu’elle porte en elle une transformation, soit la production d’une forme nouvelle, d’une métamorphose quant à l’objet ou l’être initial. C’est ce joint intime entre la crise et ses effets que nous tâcherons d’approcher dans ce nouveau numéro du Courtil en ligneS, sous le titre « Effets de crise ».
Dans le monde actuel, la « crise » s’infiltre sans relâche dans tous les champs du discours, elle a le vent en poupe, mais aussi des effets très concrets, et traverse tant les titres des journaux, que ceux de la littérature, de la chanson française ou des films des salles obscures2. Tel un signifiant maître, fourre-tout polysémique, mais qui par-là, peut faire écran à ce qu’il recouvre. Arrêtons-nous donc un précieux instant sur ce que Jacques-Alain Miller3 en dit : « Il y a crise au sens psychanalytique quand le discours, les mots, les chiffres, les rites, la routine, tout l’appareil symbolique s’avèrent soudain impuissants à tempérer le réel qui n’en fait qu’à sa tête. Une crise, c’est le réel déchaîné, impossible à maîtriser ». Voilà donc la crise hissée au rang d’« un des noms contemporains du réel4 ».
Un réel qui renverse tout sur son passage, telle une tempête mais non circonscrite à un verre d’eau ! Devant la force du réel dévoilé et l’impuissance de l’appareil symbolique à endiguer cette vague, le sujet vacille et devra trouver, dans le décours de cette crise, une issue, lui permettant, dans un mouvement de franchissement, de sortir des flots. À ce titre, « la crise, comme l’indice d’un réel dont les coordonnées sont méconnues, en fait un point de bascule inaugurant un après 5». Elle est à lire comme événement, scansion qui porte en elle une force, telle une poussée, fondatrice.
1 Jean Vilar, in lefigaro.fr
2 Dans le cinéma, on peut par exemple penser à Kris, le premier film de Ingmar Bergman de 1946, ou La Crise de Coline Serreau (1992). En littérature, à La peste de Camus (1972), Soumission de Houellebecq (2015), ou encore Temps des crises de M. Serre (2009). Enfin, ldans a chanson française, Aujourd’hui la crise de Jacques Higelin (1976), ou La crise de Volo (2017)
3 Jacques-Alain Miller, « la crise financière vue par Jacques-Alain Miller », Marianne, 11 octobre 2008.
4 Yves Vanderveken, Moments de crise dans la cure analytique, Work-in-progress two, Tel Aviv, 1 novembre 2014
5 Céline Poblome Aulit, Éthique de la crise, Quarto, n° 133, mars 2023, p.7
6 Éric Laurent, Lacan Quotidien, n°219
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